Chaque année, un nouveau style graphique, un consultant à la mode, un nouvel effet envahit notre environnement. Ces nouveaux codes apparaissent comme des vérités absolues. Suivre la tendance est rassurant. C'est d'ailleurs une des questions les plus fréquemment posées sur les moteurs de recherche : "Quelle est la tendance ?". En adoptant ce que tout le monde fait, on se fond dans le moule et on s’offre une illusion de sécurité. Et si cela échoue, on pourra toujours dire : "On a pourtant fait comme tout le monde", comme si cela annulait toute responsabilité.

La surcharge visuelle : une aliénation moderne
Nous consommons l’équivalent de 34 gigaoctets d’informations chaque jour, soit cinq fois plus qu’il y a cinquante ans, selon une étude menée par l’Université de Californie. Face à cet afflux, notre esprit trie, filtre et, surtout, oublie. Dans cet océan d’images et de contenus éphémères, suivre la tendance revient à se noyer dans l'indifférenciation. Si tout le monde utilise le même style d’illustration minimaliste, la même typographie "à la mode", le même filtre vintage, où est l’impact ? Où va le message ?
La tendance : un mauvais plagiat d’une bonne idée
Le Bauhaus n’est pas devenu iconique parce que tous les designers de l’époque ont copié son esthétique ; il a marqué l’histoire parce qu’il portait une vision. De même, la vague surréaliste n’a pas émergé d’une imitation en chaîne mais d’une quête de sens, d’une rupture avec l’académisme.
Aujourd’hui, la tendance visuelle est souvent un simple copié-collé d’une idée forte qui a eu son moment de gloire. On ne s’inspire plus, on reproduit. Pire encore, la tendance impose une norme qui réduit la créativité. Elle dicte ce qu’il "faut" faire et exclut ceux qui osent penser différemment.
L’illusion de la facilité
Ce phénomène de suivisme repose sur deux fondamenteaux : la peur ne pas être reconnu et la peur de se tromper. Se conformer à la mode, c’est s’assurer une acceptation immédiate, une validation rapide. Mais cette sécurité est factice. Ce qui fonctionne aujourd’hui sera oublié demain. Suivre la tendance, c’est aussi se donner une excuse facile en cas d’échec : "On n'a pourtant fait comme les autres".
Il y a dix ans, l’ère des influenceurs ultra-retouchés battait son plein. Aujourd’hui, ils prônent l’authenticité, allant même jusqu’à retirer leurs implants ou confesser que leurs sacs de marque sont des contrefaçons dont ils comptent se débarrasser. Les grandes marques investissent désormais dans le storytelling, le contenu engageant, la proximité avec le public. Parce qu’après plus de vingt ans d’errance dans le paraître, nous redécouvrons enfin que ce qui a du poids, c’est ce qui fait sens.
Curieusement, ce phénomène rappelle le célèbre slogan : "Le poids des mots, le choc des photos", popularisé par Paris Match il y a plus de soixante-dix ans. Il est plus vrai que jamais, mais cette fois dans une version bienveillante : non plus le choc pour choquer, mais le choc pour faire réfléchir.
L’originalité comme levier d’impact
Sortir de la tendance, c’est déjà être visible. Non pas pour choquer gratuitement, non pas pour faire du bad buzz ou de la provocation stérile, mais pour proposer autre chose. Un regard unique. Votre regard. Une démarche sincère qui résonne avec votre public.
Aujourd’hui, nous avons tous des idées. Mais l’essentiel n’est pas seulement d’avoir une bonne idée : c’est de la concrétiser avec les bonnes personnes. Celles qui ne vous enfermeront pas dans des carcans esthétiques éphémères, celles qui sauront donner corps à votre vision, celles qui n’essayeront pas de vous la voler ou de vous jalouser parce que vous avez été plus malin.
La vraie question est donc : voulez-vous être un simple suiveur ou voulez-vous découvrir qui vous êtes vraiment ?
Vers une nouvelle esthétique du sens
Alors que faire ? Se réapproprier son message. Oser la différence dans un monde saturé de clones. C’est cette posture qui forge les identités mémorables, celles qui ne sont pas dictées par une tendance mais par une conviction.
La vraie question n’est pas : "Quelle est la tendance visuelle du moment ?" mais "Quelle est la meilleure façon d’incarner visuellement mon message avec force et singularité ?" Car ce qui traverse le temps, ce n’est pas la tendance. C’est le sens.
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