Se laisser envahir par les choix, les comportements ou les décisions des autres, qu’ils soient toxiques ou non, est une réalité bien plus courante qu’on ne le pense. Cela peut commencer subtilement : on tolère une remarque déplacée, on accepte un comportement irrespectueux ou on met de côté ses propres besoins pour préserver une relation ou éviter un conflit.
Sans s’en rendre compte, on cède peu à peu son pouvoir.

Dans ces dynamiques, l’autre finit par occuper toute la place, non pas forcément par intention malveillante, mais parce qu’on lui laisse l’opportunité de devenir le décideur, le guide ou même le centre de nos préoccupations. Que ce soit un collègue, un conjoint ou un employé, la situation devient déséquilibrée : nos choix, nos actions, voire notre bien-être, semblent dépendre entièrement de l’autre.
Quand cela se produit, nous nous abandonnons à une dynamique où l’autre, qu’il le veuille ou non, devient le véritable "patron". Ce déséquilibre peut se révéler destructeur, tant sur le plan personnel que professionnel.
Pourquoi tombons-nous dans ce piège, et surtout, comment en sortir ?
Quand on abandonne son pouvoir à l’autre
1. Le cas du couple : le piège de la dépendance émotionnelle
Prenons l’exemple d’un de mes amis qui souffre de l' infidélité de sa compagne. Dévasté, dans l'attente de son retour, il se retrouve suspendu à ses moindres faits et gestes, espérant un signe qui mettra fin à la douleur. Il s’oublie totalement, acceptant implicitement que son bonheur dépend d’elle et non de lui-même. Dans cet état de dépendance émotionnelle :
Il sacrifie son pouvoir personnel, se condamnant à une attente passive.
Il vit dans la peur constante que ses propres actions (par exemple, exprimer une idée ou un désaccord) puissent provoquer le départ définitif de sa compagne.
Refusant de mettre des limites, il ne règle rien. Il prend le risque de voir la situation se répéter.
L’autre devient alors le "patron" de la relation, tandis que la personne abandonnée se réduit à un rôle de spectateur impuissant.
2. Le cas du travail : quand le patron cède sa place
Dans le cadre professionnel, imaginons un employé brillant aux résultats irréprochables, mais qui se comporte de manière toxique avec ses collègues. Il critique, manipule et prend beaucoup de place. Le patron, paralysé par la peur de perdre un élément clé, ferme les yeux sur ses abus :
En refusant d’intervenir, il lui cède son autorité, laissant l’employé imposer ses propres règles.
Le véritable "leader" devient alors l’employé, et le patron, bien que titulaire du titre, perd son rôle de guide et de régulateur de l’équipe.
L'ambiance est délètère. Aucun employé ne s'autorise à dénoncer les nuisances causées par le "vrai faux patron" par crainte de perdre son emploi.
Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’une relation privée ou professionnelle, le dénominateur commun est la peur : peur de la solitude, peur du conflit, peur de perdre quelqu’un de "précieux". Et cette peur nous amène à abandonner notre pouvoir, laissant l’autre prendre toute la place.
Les enjeux de cette dynamique déséquilibrée
Perte de soi :En cédant notre pouvoir, nous nous éloignons de nos valeurs, de nos besoins et de notre identité. Nous devenons dépendants des décisions et comportements de l’autre, oubliant que nous avons le choix.
Un pouvoir mal utilisé :Lorsqu’une personne s’empare du pouvoir abandonné, elle peut inconsciemment en abuser. Dans le cas de l’employé toxique, son comportement peut empoisonner toute l’équipe. Dans le cas du couple, le conjoint infidèle peut être renforcé dans l’idée que son comportement est sans conséquence.
Une souffrance prolongée :L’absence de confrontation alimente le problème au lieu de le résoudre. Plus on évite de poser des limites, plus le déséquilibre s’accentue, rendant toute reprise de pouvoir plus difficile.
Pourquoi avons-nous peur du conflit ?
1. La peur du rejet
Nous redoutons que l’affrontement mène à une rupture définitive. Dans le cas du couple, cette peur pousse à tout accepter pour préserver la relation, même au prix de son propre bien-être.
2. La peur de l’inconnu
Affronter un conflit, c’est prendre le risque de briser une routine (même inconfortable). Le patron, par exemple, craint de perdre un employé performant, sans savoir comment l’entreprise compenserait cette absence.
3. Une éducation qui dévalorise le conflit
Beaucoup d’entre nous ont grandi avec l’idée que le conflit est quelque chose de négatif, à éviter à tout prix. Pourtant, un conflit bien géré est souvent une opportunité de clarification, de croissance et de renforcement des relations.
Comment sortir de cette dynamique et reprendre son pouvoir ?
1. Reconnaître que l’on a un choix
La première étape est de réaliser que nous avons toujours le choix. Dans le cas du couple, l’ami peut décider de recentrer son attention sur lui-même, sur ses besoins et ses aspirations, au lieu de se perdre dans l’attente. Dans le cas du patron, il peut choisir de poser des limites claires, même si cela implique des changements dans l’équipe.
2. Poser des limites
Reprendre son pouvoir passe par l’affirmation de soi :
Dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Assumer les conséquences possibles (par exemple, perdre un employé ou un conjoint qui refuse de changer).
3. Développer son indépendance émotionnelle
Il est crucial d’apprendre à ne pas faire dépendre son bonheur ou sa réussite des actions ou décisions des autres. Cela implique de :
Travailler sur son estime de soi.
Se rappeler que, même face à un départ, nous avons les ressources pour rebondir.
4. Accepter l’incertitude
Le conflit est souvent perçu comme un risque, il est surtout une opportunité de clarification. Accepter que nous ne contrôlons pas les réactions des autres, mais que nous pouvons contrôler nos propres choix, est libérateur.
5.Oser confronter ses peurs : La peur est souvent au cœur de l’abandon de son pouvoir. Lorsqu’elle surgit, il peut être utile de prendre un moment pour analyser ce que l’on redoute vraiment. Faire la liste du pire qui pourrait arriver permet de mettre cette peur en perspective. En identifiant clairement les scénarios redoutés, on peut :
Commencer à réfléchir aux solutions possibles si le pire se produisait.
Se rappeler que 95 % de nos pensées négatives ne se réalisent jamais, ce qui aide à relativiser et à éviter d’être paralysé par des anticipations irrationnelles et des croyances limitantes.
En conclusion : le conflit est un espace pour rétablir l’équilibre
Le conflit n’est pas un échec. C’est une invitation à poser des limites et à rétablir un équilibre sain dans une relation. Qu’il s’agisse d’un couple ou d’un environnement professionnel, abandonner son pouvoir, c’est se condamner à vivre sous l’emprise de l’autre, c'est s'éteindre. En affrontant nos peurs et en osant la confrontation, nous retrouvons notre autonomie, notre dignité et notre capacité à guider notre propre vie.
Chaque relation, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, implique une part de responsabilité. Lorsqu’on abandonne son pouvoir à l’autre, on se décharge également de cette responsabilité : celle de prendre soin de ses besoins, de poser des limites et de cultiver des relations équilibrées. C'est aussi cautionner un comportement inadapté plutôt que de transmettre des valeurs.
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